Berenice Abbott - Dorothea Lange - Diane Arbus & Francesca Woodman
Exhibition Stephen Shore - MoMa 2018
Philippe Beasse Photographie
On nous a annoncé une journée de la femme le vendredi 8 mars et je me demande, en toute honnêteté s'il faut applaudir à tout rompre ou pleurer à chaudes larmes. Et par-dessus le marché, pour ajouter à la confusion, ce jour de la femme tombait en même temps que le jour du poisson.. Qu'en penser ? Comme disait le grand philosophe : "Mercredi jour des enfants, vendredi jour du poisson, dimanche jour du Seigneur...On ne peut quand même pas manger tous les jours la même chose."
Et bien, avec un léger décalage, de pratiquement 1 mois, je vais profiter de cette opportunité pour rendre hommage et peut-être vous faire découvrir quelques unes des femmes merveilleuses qui ont donné à la photographie un élan et un souffle nouveau, D'avance mille pardons à toutes celles qui auraient amplement mérité de figurer dans cet embryon de liste.
Le sujet très ambiguë des muses ne sera pas abordé ici et c'est fort dommage sachant que sans elles, bien souvent, les passions s'interrompent plus violemment, à la manière d'un coup de poignard "articide". Mais il y a toute les chances pour que celles qui ont encouragé par leur immense offrande l'inspiration des débutants, se reconnaissent sans mal.
Changing New York
Berenice Abbott
Les photographies de Berenice Abbott, furent les premières à m'atteindre de plein fouet. Alors tout jeune photographe, l'univers de l'image me parvenait par le biais du magazine Zoom dont l'inclinaison éditoriale oscillait entre les fiches d'un matériel qui fait rire aujourd'hui, les portfolios des grands de l'époque que l'on découvrait sur papier glacé et des pages entières de sujets dénudés pages qui attisaient ma curiosité plus encore peut-être que les commentaires techniques sur le dernier boitier ou la dernière pellicule.
Au détour de l'un des numéros de cette fameuse revue, l'univers new yorkais de Berenice Abbott s'imposa avec fulgurances à mon imaginaire. Ses photographies m'hypnotisaient littéralement. Les noirs si profonds de ses clichés dissimulaient les détails scabreux de la ville et illuminaient les scènes de rue Downtown, les panneaux publicitaires énormes et les rares voitures de cette époque, les hommes en costume et en chapeau, les femmes figées le bras cassé par un large sac, la vapeur qui noyait toutes les scènes, tout cela participait à cette formidable attraction que j'éprouvais alors pour la mégapole américaine. C'est probablement sa vision de New York qui m'a tant donné envie de m'y rendre et la frustration de ne pas retrouver son univers qui m'a incité à m'attacher à l'intemporalité de mes sujets.
Cette artiste formée par Man Ray commença sa carrière en effectuant le portrait de nombreuses personnalités dans le milieu des intellectuels et des avant-gardistes parisiens des années 20 : Marcel Duchamp, James Joyce, Cocteau, Gide, Foujita, Max Ernst etc...
La ville de New York soucieuse de montrer l'évolution et les changements de la métropole lui confia une importante commande pour immortaliser les contrastes dans le contexte de la crise économique qui frappait le pays, ce fut son projet photographique le plus connu : Changing New York réalisé entre 1935 et 1939.
Outraged child
Dorothea Lange
On peut observer plusieurs points communs entre ces deux artistes américaines, Dorothea Lange et Berenice Abbott et l'un d'entre eux est indéniablement le choix du sujet : la grande dépression qui frappa les Etats Unis vers la fin des années 20. Les années qui succédèrent au Krach boursier de 1929 furent appelées The bitter years , les années amères. Outre la chute vertigineuse des titres à la bourse américaine qui plongea le pays dans un marasme inédit, l'immigration ininterrompue qui amenait les déshérités depuis l'Europe conjuguée à une désastreuse sécheresse provoqua dans l'Amérique rurale une terrible situation de pauvreté.
La Farm Security Administration recruta Dorothea Lange comme photographe officielle. Sa mission, parcourir toute la région de San Francisco et couvrir cette effroyable misère afin de permettre le déblocage de fonds et d'aides d'urgences par le gouvernement fédéral. Ses photographies publiées dans le San Francisco News et relayées par the United Press, l'organe officiel d'information, bénéficièrent d'une diffusion rapide et devinrent les icônes de l'entre-deux guerres américaines.
Dorothea Lange semble être l'interprète de cette pauvreté et de cette misère qui frappa si fort et si longtemps le peuple américain. Les raisins de la colère apparaissent à travers toutes ses photographies et seul le sourire d'une enfant surprise par l'intérêt qu'on lui porte soudain, parce
que l'innocence peut brièvement prendre le dessus sur la souffrance, parvient a dédramatiser les obscurs clichés.
Twin sisters
Diane Arbus
Diane Nemerov est née en 1923 dans un milieu aisé new-yorkais. Les allées ombragées de Central Park bordant la prestigieuse Cinquième Avenue furent ses premières déambulations à la recherche de sujets à photographier.
A 28 ans elle épouse le photographe Allan Arbus et ensemble ils créent leur propre studio de photographie spécialisé dans la mode. Dix ans et deux enfants plus tard, le couple se sépare et Diane plonge alors dans une photographie plus neurasthénique, plus écorchée et plus personnelle.
C'est alors le début de la sublime et inquiétante galerie de portraits que l'on connait désormais. À travers son regard tendre et cru à la fois, l'inventaire de la grande ménagerie humaine semble poser toutes les interrogations et servir de miroirs à l'aulne desquels notre propre condition peut être mesurée et comparée. Ce que nous pourrions prendre pour un catalogue de monstres n'est en fait que le calque appliqué de la société américaine dans toute sa crudité, les êtres les plus originaux et les plus décalés la fascinent et l'obsède. Elle obtient même une bourse du Guggenheim pour poursuivre sa quête d'étrangeté et enfin le MoMa présente en 1967 une trentaine de ses portraits la propulsant brusquement dans la cours des plus grands photographes.
Malgré cette reconnaissance de son travail et la forme de thérapie que constitue sa quête photographique, Diane Arbus devient de plus en plus dépressive et se suicide tout habillée dans sa baignoire durant l'été 1971.
Autoportrait
Francesca Woodman
Francesca Woodman est la fille d'un couple d'artiste et très tôt elle a baigné dans ce creuset d'expériences, d'épanouissement et aussi parfois de tumulte et de dépression. Sa carrière est aussi tourmentée que sa production est brillante et atypique. Toutes les questions sont posées dans le regard qu'elle porte sur son principal sujet : elle même.
Le vide profond et le tain piqué des miroirs lui servent de révélateur sur ses propres angoisses : "pourquoi suis-là, comment trouver un intérêt, une utilité à ma présence" , semble t'elle nous demander. Le mystère de la naissance et de l'existence la hante perpétuellement malgré sa jeunesse.
Elle occupe tout les volumes de ses clichés, à la manière de l'ombre et de la lumière. Elle photographie comme Pina Bausch dance, avec légèreté et souffrance, avec grâce et terreur. Elle maitrise son corps et en fait son inspiration simplement parce qu'il est là au moment où elle a envie de photographier. Elle pose sans aucune pudeur parce qu'elle est un ange.
Francesca Woodman est aussi fantôme, tout le vide d'un décor lui appartient, elle s'approprie l'espace décharné d'une pièce à l'abandon, la forme blessée d'un meuble, la structure défraichie d'un papier peint, la déchirure d'un mur. Comment ne pas vaciller en songeant à l'éternité qu'elle s'est accordée en laissant simplement sa trace dans la poussière de son univers.
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