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INTERVIEW .. or not

NTERVIEW PH. BEASSE PAR WALTER CRONKITE /

CBS Evening News

EXCLUSIF

Traduit de l'américain par l'excellent Nicolas MOURGUYE



Walter Cronkite

Vous avez été Directeur d’un hôtel en Bretagne,

comment passe-t-on de l’hôtellerie à la photographie ?


Philippe Béasse :

Je n’ai pas fait de choix, je pratique les deux en créant ainsi un équilibre entre ma profession passionnante et ma passion quasi-professionnelle. Il y a une intime similitude entre l’hôtellerie et les voyages, ce sont les rencontres. Dans mon métier de Directeur d’hôtel, les gens viennent vers moi, il m’appartient alors d’approfondir certaines relations lorsque cela est possible, c’est un genre de « formation continue » à domicile. Cela a donné lieu à de nombreuses et belles rencontres, à des partages d’expériences, d’art de vie. Bon nombre de ces clients sont devenus pour le moins des relations précieuses et au-delà, des amis très proches.


Durant les voyages, les rencontres doivent être provoquées et la photographie est un vecteur favorable. J’aime les photographies des aînés qui utilisaient des appareils de « poitrine » du type Rolleiflex, alors pour retrouver ces perspectives et ces champs visuels, j’ai toujours un genou à terre lorsque je photographie et mes focales sont courtes, je me trouve donc très près du sujet. Dans certains quartiers new-yorkais considérés un peu « chauds », cette attitude efface ou du moins relativise la menace qui pourrait être ressentie lorsque l’on photographie d’un peu loin en visant son sujet avec un téléobjectif, tel un sniper indélicat.

C’est incroyable le nombre de gens qui viennent alors spontanément vers moi pour m’interroger sur ma démarche et le matériel, qui se penchent également jusqu’à mon niveau pour évaluer ma perspective ou qui me protègent de la circulation lorsque je décide de m’accroupir au milieu de la rue. Je suis dans mon viseur, oubliant tous les autres paramètres environnants, c’est la grande angoisse de mon épouse qui m’accompagne sur toutes ces aventures.


D’où vient cet amour de New-York ?

De certaines lectures d’abord. Beaucoup plus jeune j’ai adoré l’ambiance du roman de Truman Capote « Summer crossing » La traversée de l’été. J’ai probablement été un peu amoureux de Graddy, la jeune héroïne et de la ville de New York décrite dans le récit. Ensuite m’intéressant à la photographie, j’ai recherché des photographes pour « pomper » une inspiration, un style. J’ai été premièrement subjugué par les clichés en noir et blanc de Berenice Abbott sur New York. Ses cadrages, l’atmosphère d’une ville nimbée dans ses fumées, dans ses vapeurs. Puis j’ai découvert l’incroyable travail de Saul Leiter, peintre et photographe. Ses clichés graphiques et savamment colorés se sont complètement imposés et je suis immédiatement passé du noir et blanc que je développais dans ma cuisine ou dans un minuscule labo à la couleur. La ville de New-York est devenue obsessionnelle, on l’imagine, on la rêve et souvent, lors du premier séjour, on essaye vainement de retrouver les repères fantasmés.


Vos images de la ville sont assez loin des clichés du genre,

dans une ambiance assez sombre, pourquoi ?

Votre remarque m’enchante, être loin des clichés, apporter un regard différent, revisiter une imagerie et convaincre est un graal pour un photographe. Mais je pense avoir évolué dans ces images. Les premières réalisées à New-York devaient être dans la veine de mes prédécesseurs, les ambiances de Times Square, de Manhattan, les longues perspectives des avenues, les bouquets de buildings, les gratte-ciel et les combinaisons d’architectures. Après de nombreux séjours le rayon d’action a considérablement augmenté et même si les « villages » de Manhattan proposent toujours autant de diversités et d’intérêts, les autres boroughs que sont le Bronx, Brooklyn et Queens en particulier, ont opéré un formidable magnétisme sur mes photos. Je ne pense pas assombrir à dessein, je rapporte juste des images de quartiers qui n’ont rien de touristiques mais qui constituent la vraie ville humaine. J’adore me perdre au bout d’une ligne de Subway et découvrir des quartiers improbables. Les communautés sont plus tranchées à New-York que dans aucune autre ville, on est vraiment à Tel-Aviv quand on marche à Williamsburg parmi les Loubavitch, ou à Fort Hamilton sur les lignes Q ou D vers Coney Island, toutes les informations sont en hébreux, jusqu’aux inscriptions sur les cars scolaires jaunes. On est au Mexique dans le quartier de Knikerbocker, à l’est de Brooklyn, on est en Russie à Little Odessa les Babouchkas ont leurs toques de fourrure et les articles dans les magasins sont étiquetés en cyrillique, la vraie Little Italy est perdue en plein milieu du Bronx, près de Arthur Avenue et le China Town de Queens est bien plus important que celui qui se trouve aux pieds du Manhattan Bridge. Et même si Harlem se « boboïse » un peu, Spanish Harlem qui fait presque la jonction avec le Bronx préserve une formidable identité portoricaine.


En traversant ces quartiers assez loin des pistes touristiques, on s’invente des craintes, on imagine des scénarios mais si on sait rester humble et ne pas provoquer, on demeure transparents aux yeux des résidents.


Parlez-moi un peu de cette exposition sur « les portes ».

Ces portes sur lesquelles je travaille depuis 2014 sont une nouvelle manière d’aborder la ville de New-York, d’associer les grandes tendances du street Art à mon envie de créer d’avantage que des photographies. Les portes sont des traits d’union entre la rue, la partie visible et publique et l’intime, l’invisible et le privé. C’est ma façon de franchir, grâce à la photographie et au travail numérique, le pas entre l’instantané et la création artistique. J’aime la peinture mais je ne sais pas peindre ni dessiner, j’aime la musique mais je ne sais pas composer, par contre je sais faire des photographies et utiliser tous les outils de post production (Ligthroom, DXO, Photoshop..). Ces portes sont composées à partir de portes réelles, photographiées au gré de mes promenades, d’affiches, de textes, d’annonces, de publicités et de toutes sortes d’éléments glanés sur les murs, les poubelles, les poteaux. J’associe ensuite tous ces éléments pour créer de nouvelles photographies, des effets 3D, des tags, des graffitis, etc… Leur taille réelle 240x90 appelle la série, il en faut plusieurs côte à côte pour restituer l’effet escompté.


La série des portes a déjà été exposée dans un parc à ciel ouvert, elle en compte 22. Ces portes sont très colorées, pleines d’informations et de vie New-yorkaise et j’aimerai beaucoup en faire une nouvelle grande exposition dans un espace un peu industriel.


Vous avez aussi travaillé sur le reste des Etats-Unis ? Qui sont les photographes qui vous ont inspiré ?

Oui, avec mon épouse qui est la complice de ces périples photographiques, nous avons parcouru un bon nombre d’états, roulé sur de nombreuses et splendides « Scenic Byway » et avons été émerveillés par les Parcs Nationaux Américains mais curieusement ces séries ont été moins exploitées et montrées. Il faudrait refaire ces trajets avec un projet photographique plus abouti, un peu sur le modèle des œuvres de Joel Sternfeld qui fait de chacune de ses photos apparemment anodines des œuvres à part entière dans lesquelles on est totalement absorbé. Mais je suis parfaitement jaloux du talent d'un grand nombre de photographes qui m'ont tous donné une furieuse envie de marcher dans leurs pas : Joel Meyerowitz, William Eggleston, Joel Sternfeld, etc...


Ce n’est pas un peu compliqué de jouer les solitaires à deux ?

Vous voulez parler de mon épouse… Non seulement ce n’est pas compliqué mais c’est devenu un travail d’équipe. Lorsque je suis en mode photo, je suis extrêmement concentré sur les sujets ou l’environnement, à l'affût de la moindre information visuelle et paradoxalement, il n’y a alors pas plus distrait que moi. La moindre dénivellation du sol est pour moi, je me tords les chevilles régulièrement, le petit bout de trottoir ne dépasse que pour moi, et le machin pour se cogner la tête me vise personnellement. Donc mon épouse veille sur l’environnement pour me protéger. Elle a un œil très aguerri et sait repérer les petits détails qui vont immanquablement m’intéresser et elle accepte également volontiers de faire, à chaque fois, le chemin inverse pour voir si l'aspect d’une rue ou d’un bloc de maisons n’est pas plus intéressant de l’autre côté.


Il y a eu cette exposition en 2012 à Gourin avec la présence de l’Ambassadeur des Etats- Unis de l'époque, comment s’est déroulée la rencontre ?

Gourin est une petite commune du centre Bretagne qui a vécu une belle histoire avec les Etats-Unis. Comme tant d’autres villages en France elle a connu, il y a un peu plus d’un siècle, une grave crise économique et sociétale. C’est presque tout ceux qui étaient valides à Gourin qui ont alors tenté l’aventure New Yorkaise en franchissant l’océan pour trouver le pseudo El Dorado américain. Cela ne s’est pas fait dans la douceur mais à force de volonté, de sacrifices et surtout de travail, une grande partie de ces Bretons a pu vivre une belle réussite là-bas et faire des jaloux ici. Pour commémorer ce grand départ, le Maire de Gourin, Monsieur David Le Solliec et l’Ambassade US à Paris ont organisé une exposition au château de Tronjoli. La commune a ressorti de nombreuses images d’archive et des documents liés à cet événement et le Consulat des Etats-Unis de Rennes, co-organisateur avec l’ambassade, s’est tourné vers moi pour fournir des photographies sur New York. Mon travail, disaient-ils, correspondait bien au regard souhaité, esthétique et humaniste.


La présence de l'Ambassadeur Charles Rivkin a été le point d'orgue de ce moment, son retour sur mon travail photographique a constitué un encouragement définitif.


Comment percevez-vous les Etats-Unis aujourd'hui, le pays vous attire t'il toujours autant ?

Vous voulez parler de la situation politique j'imagine. Les Etats-Unis sont toujours, dans mon esprit, synonymes d'espace de liberté et d'aventures. le peuple américain s'est toujours posé en idéaliste, comme un seul homme, animé d'un courage et d'une pugnacité hors du commun. Mais je ne suis pas aveugle et les positions actuelles d'une partie des Républicains relayées par le Président Trump sont totalement insoutenables. Le regard de ce jeune américain toisant avec dédain et mépris le chef indien chantant l'hymne traditionnel (AIM American Indian Movement) résume tout le malaise latent. Dans le comportement scandaleux de ce jeune homme, il y a une apparente impression d'impunité. Son attitude est un outrage insupportable, j'éprouve une honte profonde et le fait que le Président Trump n'ait pas condamné, pire encore, ait pris le parti de ce "branleur inculte et stupide" en dit long sur le fossé qui se creuse entre le peuple américain.

Mais l'élection de Donald Trump n'est que le résultat de la médiocrité des Démocrates et de leur désintérêt pour la vraie vie au profit de l’entre-soi et de l'esprit de caste qui habite le monde politique, là-bas et n'importe où dans le monde. Pour la première fois certainement dans l'histoire des Etats-Unis et en temps de paix, si on peut dire, Trump n'a pas été élu par le rêve mais par la colère du peuple, tout est mélangé, amalgamé, le social, la santé, l'immigration, la culture, le travail etc, la facilité consiste à dire que le problème c'est l'autre.... Quand on a fait ce constat, il faut également regarder ce qui se passe autour de soi, ici-même en France et là encore, on ne peut que constater l'écart qui divise nos classes. Les solutions semblent à portée de la main et pourtant tellement impossibles à mettre en place.


Cette lecture de la crise américaine ne se constate pas forcément dans vos photographies.

Encore une fois, je ne suis certainement pas un expert de ces problématiques ni de la politique américaine. Des situations me dérangent intrinsèquement, peuvent m'obséder, me révolter mais je n'ai aucune mission de révélateur. Les journalistes sont là pour ça, pour enquêter, comprendre et diffuser. Je ne cherche pas les images choc, il y a de la misère, des drames sociaux et humains, je le sais, il m'est arrivé d'être témoin de scènes effroyables, à San Francisco, New York, Chicago, j'ai pu les voir, il ne m'a jamais traversé l'esprit de les photographier. L'immense photographe Steve McCurry, à l'inverse, parvient à raconter l'impensable en une seul photo. Je n'ai pas envie de me frotter à ce genre de pointure.


D’autres envies ?

La photographie me passionne, c’est l’art de l’immédiateté, de la spontanéité. Plus j’avance en âge plus la photographie me captive et pas uniquement celles que je réalise, les photographies des autres me comblent également, m’inspirent et me nourrissent. Le dessinateur, le peintre ou le photographe peut revenir sur un détail, améliorer un éclairage, modifier un cadre mais seul le photographe ne bénéficie que d’une fraction de seconde pour figer ce temps qui passe, pour immobiliser un regard, une ambiance, une émotion et la faire ensuite partager. Alors l’ouverture de l’Atelier-Galerie Le Pont des Images, dans ma petite ville bretonne de Pont-l’Abbé dans le Finistère qui est aujourd’hui effective, me donne l’impression de rendre un peu à la photographie le plaisir et l’épanouissement qu’elle m’a procuré. J’aimerais y présenter d’autres envies, des portraits, des mises en scène.


Une galerie pour vos photographies ?

Mes photographies en effet pour commencer, vous savez comme moi qu’on est jamais mieux servi… mais je souhaite courant 2019 ou 2020 pouvoir organiser des expositions avec d’autres photographes qui partagent la même volonté de présenter un travail aboutit, soigné, avec des beaux tirages sur de beaux papiers et surtout des œuvres en tirage limité, pas de la production industrielle comme c’est le cas dans certaines « galeries » qui font passer des séries de 5000 pour des éditions limitées. Et là, je ne parle pas du travail des photographes mais de la confusion qui est organisée autour de ces produits.


Donc une nouvelle vie de galeriste.

Pas exactement, galeriste est un vrai métier, il faut de l’audace, de la persévérance, de l’expérience, des moyens et surtout un statut, une culture et une crédibilité que je ne possède pas. Un lieu plus proche de l’atelier avec des murs couverts de photographies, un bon éclairage et surtout une vraie collaboration avec les auteurs qui pourront faire des journées de présence pour expliquer leur travail et rencontrer des passionnés ou des curieux.


Alors bon vent et vive la photographie.

Merci Walter


Really Fake Interview...!

Bien entendu, si vous avez eu le courage de lire cette interview jusqu'au bout, vous aurez compris la supercherie... Walter Cronkite, la crème de la crème des journalistes américains, est depuis longtemps au paradis des reporters prestigieux... Ce journaliste présentateur de CBS fit les beaux jours de sa chaîne par ses reportages et son professionnalisme absolu. Célébrité médiatique incontestée de son temps, il a su, par son objectivité et son implication sur le terrain, lors du conflit qui opposait les Etats-Unis au nord Vietnam, acquérir la confiance totale de ses commanditaires et de son auditoire.

Cette façon auto-promotionnelle de commencer l'année est très tendance, ai-je lu dans un article pertinent, alors je me suis laissé tenter par l'expérience.

Le traducteur en revanche, Nicolas Mourguye, est un vrai traducteur et pas des moindres... Espérons simplement qu'il ne me tienne pas rigueur de l'avoir entraîné dans cet exercice crapuleux et surtout qu'il ne m'adresse pas ses honoraires...

Mettons tout cela sur le compte de l'hiver qui gèle les neurones et encombre les fosses nasales...

Bien à vous tous.

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